Roche en fusion - Inspiration

Il n'était qu'un caillou. Une pierre, brulante sous le soleil. Le voyage l'avait épuisé, et il se sentait las. C'était peine perdue ! Il n'attendait même plus. Combien de temps, déjà ? Deux heures, au moins. Peut-être quatre ? A attendre, à rôtir, au milieu d'un désert sec. Quelle mission stupide ! Mais il n'avait pas vraiment eu le choix.

« Vous devez mener cette expédition à son but ! Tout repose sur vous ! Vous aurez quatre de mes meilleurs hommes sous vos ordres. Revenez en vitesse, et protégez les scientifiques ! A tout prix, c'est bien clair ? »

Rien n'était plus clair : mieux valait revenir mort qu'échouer. Mais là, devant cette immense plaine aride, Egdar pouffa : personne ne pouvait s'approcher d'eux sans se faire remarquer à des kilomètres. Si quelque chose semblait dangereux, à cet instant, c'était principalement l'ennui ! L'ennui, et, en y réfléchissant bien, leur propre mission !

En soufflant, il aperçu –une nouvelle fois- les montagnes rocheuses au loin, qui dansaient devant ses yeux sous l'effet du soleil brulant. Elles semblaient ridicules, d'ici ! Devant elles se dressait un sol sec, craquelé en de grandes plaques rouges qui se juxtaposaient jusqu'à l'horizon. Seules les rocheuses, au loin, venaient sauver -in extremis- ce paysage brulé d'un vide total. Le ciel lourd qui surplombait magistralement l'ensemble, d'un rouge orangé à rendre fou n'importe qui, n'arrangeait rien ! Et, pour couronner le tout, il devait en plus supporter ces horribles bruits de machines, qui creusaient, tailladaient inlassablement la pierre vers l'entrée du complexe, ou ce qu'il en restait. En faisant les cents pas, Edgar se remémora ses cours d'Histoire Spatiale et les événements récents-pour la dixième fois depuis l'atterrissage de l'expédition.

En 2274, alors que l'humanité vivait encore exclusivement sur la planète Mère et se déchirait dans la Guerre Totale, deux grands scientifiques décidèrent de fuir la Terre. En découvrant une planète -potentiellement- habitable dans un système solaire voisin, ils entreprirent la création secrète d'un vaisseau capable de transporter le matériel nécessaire au débarquement, à la survie et au développement de quelques milliers d'humains et d'animaux triés sur le volet afin de s'installer sur Cérès, la nouvelle planète, et d'y construire une société nouvelle.

Evidemment, le voyage fut un désastre : lorsque le contact avec la terre fut perdu, les humains s'entretuèrent violemment. Un carnage se déroula dans un mélange de panique, de peur, et de soif de pouvoir, à grands coups d'armes délirantes fabriquées à la va-vite. Les astronomes eux-mêmes, n'ayant pas voulu d'armes réelles au décollage (malgré leur chargement massif), furent incapables de se défendre et comptèrent parmi les premières victimes des passagers déments.

Sur 2700 passagers au départ de Terre, 297 « acérissèrent » sur Cérès un an plus tard. 276 restèrent en vie dans les 9 mois qui suivirent le débarquement. La plupart des autres se suicidèrent bien que l'environnement de Cérès soit quasiment identique à celui de la planète Mère, le reste succombant à diverses maladies que personne ne comprit jamais.

Au bout de quelques mois, un camp viable et une hiérarchie s'étaient installés. La plupart des caisses du vaisseau furent grandement utiles aux survivants, et bien plus vite que quiconque ne l'eut jamais cru, on recréa. Les sciences, les soins, l'éducation furent d'absolues priorités, et tout le monde semblait optimiste et volontaire pour créer une société nouvelle en s'inspirant des erreurs commises sur Terre. Une assemblée participative fut constituée, la préservation de l'environnement de Cérès étant la règle de base, et tout sembla suivre son cours paisiblement.

Malgré les tentatives de contact avec la planète Mère, personne n'obtint jamais de réponse. Aucun signe de vie. Certains osaient même parler d'extinction totale de l'humanité sur Terre. C'était en fait l'espoir de la plupart des Cériens, la plupart d'entre eux, sans jamais être capable d'expliquer précisément pourquoi, se sentait profondément coupable et lâche.

Voilà où en était resté Edgar depuis ses cours. Après, il y eu le réel : en 2385, un vaisseau terrien et son équipage -tout deux en piteux état- avaient tenté de prendre le contrôle du camp de débarquement, devenu capitale d'une micro-société prometteuse : celle des Cériens. Les Terriens les accusaient d'être des traitres, furieux d'avoir découvert qu'une partie de l'humanité avait réussi à sauver sa peau. Les Cériens, eux, étaient catégoriques : pactiser , et laisser rentrer ces fous sanguinaires dans la communauté reviendrait à injecter le pire des virus dans un corps parfaitement sain.

Ainsi, le conflit éclata. N'ayant que peu d'armes et que peu anticipé sur un besoin défensif aussi important, les pertes et massacres sur Cérès furent nombreux. Une fois le conflit terminé, la situation, si belle fut-elle quelques mois auparavant, était à nouveau critique : on comptait dorénavant en tout et pour tout 255 humains sur Cérès. Mais plus pour longtemps : un deuxième vaisseau terrien avait été vu en direction de Cérès, celui ci étant dix fois plus gros que le premier vaisseau, qui n'était en fait qu'un éclaireur.

La veille de l'expédition, on avait réveillé Edgar en pleine nuit. La voix de son Supérieur résonnait encore dans sa tête :

«- Capitaine ! Vous partez immédiatement. Sur Terre ! Le temps presse. Le Pr. Jones vous expliquera les détails en route, mais vous devez mener cette mission à son but ! Tout repose sur vous. Vous aurez quatre de mes meilleurs hommes sous vos ordres. Revenez en vitesse, et protégez les scientifiques ! A tout prix, c'est bien clair ? Et ne me regardez pas avec ses yeux ronds, vous devriez déjà être habillé ! »

Une fois en route vers Terre, le Professeur Jones avait -malheureusement- clarifié les choses :

« - Comme vous le savez, un second vaisseau terrien se dirige vers Cérès. En se basant sur la visite du premier vaisseau et la différence de taille entre les deux navires, il est évident que les Terriens jouent leur va-tout. N'ayant plus aucune ressource sur Terre, nous pouvons affirmer avec certitude qu'ils ont l'intention de débarquer massivement et de prendre le contrôle de Cérès pour survivre. Il ne nous reste que peu de temps ; si un conflit éclate, nous sommes fichus.

- J'ai bien conscience de la gravité de la situation, Professeur, l'avait coupé Edgar, mais en quoi cette expédition sur Terre va t-elle changer quelque chose ?

- C'est très simple, et assez désespéré, pour être honnête. Les Terriens sont en route vers Cérès, et vu la taille de leur navire, leur temps de trajet est estimé à trois mois environ. Notre vaisseau étant beaucoup plus petit, nous mettrons trois fois moins de temps : ainsi, nous avons le temps d'aller sur terre chercher ce dont nous avons besoin et de revenir. »

Edgar lui avait lancé un regard agacé, comme s'il était évident qu'il devait enchainer plus rapidement.

« - Nous ne pouvons nous permettre de les laisser s'approcher. Ce serait la fin de Cérès telle que nous la connaissons ! Nous devons les toucher sur leur trajet. Et la seule chose que nous n'avons pas encore su recréer sur Cérès, c'est précisément celle dont nous avons besoin. »

Ses yeux s'étaient ouverts d'un coup, accompagnés d'un grand sourire dément. Edgar frissonnait encore rien qu'en y repensant. Le docteur avait repris rapidement :

« - Elle doit se trouver dans un ancien complexe militaire que nous avons localisé : suite aux conflits et à la Guerre Totale, il est enfoui sous des mètres de roches dures. Cette phase-là, on s'en occupe, ca devrait pas vous intéresser énormément. Une fois l'entrée trouvée, on fonce avec le matériel, on la prend, et on remonte fissa dans le vaisseau avec tout le monde. Là-bas, ils travaillent d'arrache-pied pour être prêt à la lancer. Donc on la prend, on rentre, et c'est gagné. »

Edgar avait senti son cœur se serrer et un profond malaise s'emparer de lui :

« -Qu'est-ce qu'on va prendre, bordel ?

-Vous êtes soldat, hein ? Vous ne comprenez rien ! Nous allons chercher un missile, capitaine ! Un missile pour anéantir un Transporteur rempli de Terriens dans l'espace. C'est complétement dément. Nous allons chercher une bombe H, Edgar ! Une bombe H ! » 

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