jeudi 21 avril 2011

Des pressions.


Hop, voilà ma participation au jeu N°6 de 1001 mains; avec comme règles : Une photo (De Louise Imagine, cette fois) est choisie, chacun prend son clavier, sans contraintes, et chacun met tout en ligne. Bref, voilà l'image : 


http://louiseimagine.wordpress.com/

Il titubait trop. Aveuglé par la lumière blanche des néons blafards, il leva la tête, tant bien que mal.

La station était complétement vide. Dans ce grand hall froid, pendant un court instant, le silence se fit total. Même pas un métro roulant au loin, une voiture ou une sirène de police embrasant la nuit. Subitement, l'impression démente que le monde s'était arrêté de tourner s'empara de lui. Son regard s'attarda difficilement sur ce qui l'entourait, et seul le photomaton, d'apparence moderne, semblait vivre encore : une étrange aura se dégageait du néon violet qui aguichait, provocateur, quiconque passait à sa portée.

Il ressortit la Vodka de son manteau, en bu plusieurs gorgées et la posa sur le sol en refrénant un relent. Il connaissait bien cette station. Mais pleine. Pleine de gens, de bruits. Il la connaissait animée, assaillie, même, par des hordes de voyageurs pressés d'atteindre leur destination. Exactement comme lui : il se connaissait énergique, vivant, survolté, même. Et là, d'un coup, cette déprime, ce mal-être, et cette perte inestimable...

Il s'approcha du photomaton, et en tira le rideau. Dire que moins d'un an avant, ils étaient assis là! Une si belle rencontre... Riants, tout deux, amoureux, liés. 7 ans, en couple, entre les photomatons, les rires, les fêtes, à vivre une vie insouciante.  Trop insouciante, peut-être. Et maintenant, comment oublier tout ça? Comment rencontrer quelqu'un à 15 ans, découvrir la vie avec, devenir adulte, puis devoir repartir seul, à 23?

Il la voyait presque, là, assise, à mettre les pièces, à rire sur les photos. Et il pouvait la sentir, maintenant, la toucher, surement, l'embrasser, certainement, lui dire qu'il regrettait, qu'il l'aimait ! Il tendit la main. Il pouvait peut-être la rappeler, la rattraper. Elle comprendrait, peut-être, elle regretterait aussi, et tout recommencerait! Sans les erreurs, sans les conneries. Ils pourraient s'asseoir à nouveau sur ce tabouret, et, ensemble, rire. Rire si fort en pensant qu'un jour, ils avaient osé croire qu'ils pouvaient se séparer!

Il tomba sur le tabouret du photomaton, et, dans le cadre de l'appareil, son visage apparu. Ce dernier était ravagé. Ses cheveux sales, noirs et hirsutes, cachaient un front proéminent, et l'un des yeux , cernés et rouges, semblait plus ouverts que l'autre, appuyant une lassitude clairement apparente. Ses joues creusées entouraient une bouche molle et flasque qui semblait ne s'ouvrir que trop peu, et; pour couronner le tout, en raison d'un accident, une grande cicatrice ronde dansait juste à coté de son oeil droit. Ce visage agonisant contrastait ironiquement avec son style vestimentaire : il portait un costume, et une cravate. C'était la seule habitude qu'il avait gardé de tout ça : s'habiller comme il le fallait.

Il était maintenant complétement avachi sur le tabouret, débraillés, les bras ballants, et ses yeux se fermèrent tout seuls. Dans un dernier soupir, alors que le panneau de commande du photomaton indiquait 03h45, il s'endormit, là, dans le calme trop lourd de cette station de métro maudite. Et derrière les néons blancs, seules les caméras de surveillance, de par leurs mouvements réguliers, empêchèrent le hall de sombrer dans l'immobilisme total.

Ce fut le bruit qui le tira de son sommeil. Il décolla difficilement ses yeux, noyé sous les vapeurs d'alcool, puis se frotta le visage alors qu'une migraine atroce le tenaillait. Le hall était plein à craquer. Des gens, partout, il y avait des gens qui marchaient, couraient, téléphonaient, sans faire attention à lui, sans lui accorder un regard. Le photomaton indiquait alors 09h00 du matin.

Par fierté, il se leva vite. Même si les gens ne le regardaient pas, ils le voyaient. En quittant la station, il reprit ses esprits : il avait divagué, il s'était perdu toute la nuit dans des romances à l'eau de rose, et jamais elle ne reviendrait. Il avait été remplacé, maintenant, tout simplement, et c'était bien mérité. Et pourtant, tout semblait encore tellement présent! Il devait passer à autre chose. L'oublier, oublier tout ça, même si au fond, il ne le voulait pas : tout semblait trop beau pour pouvoir être oublié.

L'épicerie était déjà ouverte. Il entra machinalement, acheta une bouteille de Vodka, et lorsque l'épicier lui lança son "Comme d'habitude, 12 euros!"; sans savoir pourquoi, il se mit à rire. "Comme d'habitude, ouais... Comme d'habitude."

1 commentaire:

  1. Joli récit ! J'aime bien aussi le rythme... T'as l'impression que le temps est presque en train de s'arrêter et d'un coup *pof* neuf heures du matin ;)

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